À 27 ans, Wanis Guelmani a déjà enchaîné plus de décisions clés qu’une carrière entière n’en exige parfois. Du monde de l’HoReca aux rayons du Carrefour Market de Manage, il s’est forgé un parcours où chaque choix, même risqué, l’a rapproché de son objectif.
Dès l’école, Wanis Guelmani se distingue. Pas par une discipline parfaite, mais par une lucidité étonnante sur son propre parcours. « Je n’ai jamais été très scolaire, mais j’étais doué. Je me contentais de la moyenne pour certains cours et j’avais beaucoup de débats avec les profs », explique-t-il. Il défend alors déjà une vision personnelle de la réussite : « Je ne comprenais pas pourquoi on s’acharnait sur un 5 ou un 10. La personne à côté qui a 10 ne fera peut-être pas mieux dans la vie. » Ces prises de position, toujours respectueuses, lui vaudront un prix d’esprit critique en rhéto.
Très jeune, il veut surtout travailler. « Depuis mes 15 ans, j’ai toujours travaillé. À l’époque, on avait droit à 50 jours, puis 475 heures… et j’arrivais au bout très vite. » Arrivé à l’université, il choisit de consacrer plus de temps au travail qu’aux études : « Je préférais aller en cuisine découper des légumes qu’aller au cours. Chaque heure où je n’allais pas travailler, c’était de l’argent perdu. »
L’HoReca devient sa deuxième école. Il y accumule des heures, mais surtout un sens du rythme, du contact et du service. « Je suis tombé amoureux du social, du côté humain. J’étais capable de faire 16 heures par jour et d’en redemander. » Dans son cercle d’amis - un footballeur professionnel, un financier en Arabie saoudite, un collaborateur en banque privée - il trouve une source d’inspiration continue … « On est la moyenne de nos cinq meilleurs amis. Ils avaient tous une avance. Je devais suivre. »
Du champagne à la franchise : une rencontre déterminante
Au fil de ses expériences, Wanis multiplie les environnements : restaurants étoilés, brasserie italienne, management hôtelier, boîte de nuit… partout, il observe, teste, apprend. Lors d’un stage chez le chef Benoît Neusy , il découvre un monde où l’exigence rencontre l’élégance. « Il m’emmenait sur des événements, il m’a ouvert des carnets d’adresses incroyables », raconte-t-il.
Mais le tournant arrive un soir où, travaillant dans un établissement chic, il décide d’accueillir un client isolé avec une coupe de champagne… sans qu’il ne l’ait commandée. « Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Je suis arrivé avec une coupe et je lui ai dit : "Vous êtes connu de la maison." » Il l’accompagne tout au long de la soirée, lui fait visiter la cave, discute vins et service. Le client est convaincu… et révèle être franchisé Carrefour.
Les deux hommes se revoient. L’entrepreneur lui propose d’organiser un bar éphémère durant le carnaval de La Louvière. « J’avais 23-24 ans. Il m’a donné carte blanche. J’ai tout organisé. Le truc s’est super bien passé. » Quelques mois plus tard, il lui propose de devenir son bras droit.
Wanis hésite : il lui reste une année d’études. Mais une fois encore, il choisit en fonction de son instinct. « Si je sais gérer un magasin, alors je saurai un jour gérer un restaurant. » se dit-il.
Manage : un défi complexe mais pleinement assumé
Un peu plus tard, lorsqu’on lui propose le Carrefour Market de Manage, l’émotion est particulière. «C’est le magasin où j’allais à pied avec ma grand-mère. » Mais au-delà du souvenir, le dossier est difficile : magasin vieillissant, garanties financières lourdes, banques frileuses. « Je me suis retrouvé avec plus de 160.000 euros de garanties à mettre. »
Une fois la reprise validée, il découvre un magasin plus complexe qu’attendu. « Il y avait beaucoup de vétusté, des équipements à remettre à niveau, des processus à revoir. » L’équipe, présente depuis de nombreuses années, manque de formation récente. Il prend alors les choses en main : réorganise les process, forme son personnel, installe une culture d’autonomie. « Aujourd’hui, c’est une vraie fierté. C’est une chouette équipe, qui a énormément progressé et qui s’est pleinement appropriée le magasin. Humainement, ils sont très investis : ils s’inquiètent du magasin comme si c’était le leur. »
Quant à sa méthode de management, elle est simple : une autorité calme, jamais brutale. « Je n’ai jamais crié sur personne. Mais si quelque chose ne va pas, on parle. Et si ça ne change pas, c’est terminé. Je ne suis pas gendarme. » Ce qu’il aime le plus : pouvoir valoriser. « Une récompense, ça ne se demande pas. Ça se mérite. Quand je peux valoriser quelqu’un, c’est exceptionnel. »
Aplsia : un relais indispensable pour faire évoluer les règles
Pour Wanis, l’adhésion à Aplsia n’est pas qu’une formalité. C’est une nécessité. « Aujourd’hui, on a un monde qui change, mais la loi travail n’a pas changé. » Il évoque des situations où certaines obligations administratives ou règles de planification ne correspondent plus aux réalités d’un magasin aujourd’hui. Aplsia joue, selon lui, un rôle clé : faire remonter les problèmes vécus par les indépendants, dialoguer avec le politique et défendre des adaptations concrètes. « Ce sont les gens du terrain qui peuvent faire changer les choses. » Il cite notamment la question des prix, souvent comparés avec la France et la densité de magasins dans nos régions. « Quand on voit les différences de panier entre ici et Leclerc, c’est effarant. Si demain Leclerc s’implante ici, on est foutus. » Pour lui, la solution ne passe pas seulement par les industriels ou les distributeurs, mais aussi par un cadre réglementaire plus cohérent. »