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Info ou Intox ? 5 commentaires sur l'actu Delhaize

Catégorie

Actualité

Publication

13/03/2023

Info ou Intox ? 5 commentaires sur l'actu Delhaize

Retour sur une actualité qui, en quelques jours à peine, a déjà fait couler beaucoup d'encre et beaucoup de salive. La rédaction de Gondola a voulu un traitement sobre et factuel. Mais il est peut-être temps de compléter cet angle en examinant quelques opinions largement diffusées ou reproduites cette semaine. Info ou Intox ?

#1. La décision de Delhaize serait une menace pour l'emploi.

Non, à ce stade, c'est d'abord une surprise. Pour le personnel concerné, c'est même un choc, humainement compréhensible. C'est à l'évidence l'amorce d'un conflit social qu'on nous annonce dur. Mais une catastrophe sociale, non. Au pire, c'est une évolution qui déplait souverainement aux partenaires sociaux, parce qu'elle fait changer de commission paritaire les salariés, et parce qu'elle prive les syndicats d'une représentation permanente dans l'entreprise, chaque point de vente étant cédé à une PME qui n'est pas soumise aux mêmes règles. On peut comprendre qu'il y ait de la méfiance. Mais contrairement aux vagues de restructurations connues dans le retail belge, l'emploi lui-même n'est pas directement menacé. Prenons un cas inverse : Makro n'a jamais cherché à changer de commission paritaire ni à éviter une représentation syndicale permanente. Ce qui a détruit l'emploi chez Makro, c'est la faillite.  Et avant celle-ci, l'échec commercial. Le commerce, ce n'est pas une activité sans risque. C'est bien pour ça que les enseignes cherchent à s'adapter.

#2. La nouvelle mode du retail, ce serait de se débarrasser de son réseau auprès des indépendants

Si c'est le cas, c'est chez nous moins une mode qu'une tendance concernant ceux qui ne se positionnent pas sur le discount. La qualifier de nouvelle serait vraiment abusif : Il y a très longtemps que les grandes enseignes généralistes n'ouvrent plus de magasins intégrés. La croissance organique de la plupart des enseignes ne se fait déjà plus depuis longtemps que via les indépendants. Seuls les discounters, hard (Aldi et Lidl) ou soft (Colruyt, OKay) ouvrent encore des magasins intégrés. C'est conforme à leur positionnement axé sur le prix : quand on base tout sur une maîtrise des coûts et une marge étroite, on vise à disposer soi-même de toute l'autorité, et à ne pas sacrifier abusivement les marges de ses partenaires indépendants. Intégré, indépendant : est-ce l'étiquette qui compte, ou le succès que rencontre l'enseigne, quel que soit son modèle ? Au final, c'est toujours le client qui décide…

#3. Passer à un modèle en franchise, ce serait forcément une régression sociale.

Nous avons sursauté en découvrant la formule du Ministre Dermagne, répondant au Parlement à des questions relatives à Delhaize : « Où allons-nous ? Voulons-nous une société fast food et revenir à des lois du travail du 19e siècle ? » La formule a aussi fait bondir Luc Ardies, le pourtant très prudent patron de Buurtsuper.be, et tout autant les indépendants que nous avons eu en ligne cette semaine. "C'est quoi, cette caricature ? Nous ne sommes pas des esclavagistes. Notre personnel, on ne demande pas mieux que de le payer correctement." "Le Ministre ferait bien de venir nous rendre visite," ajoute un autre témoin, " Mon équipe, j'ai plutôt l'impression qu'elle est contente de travailler ici, où je suis un patron accessible et pas obtus. De toute façon, aujourd'hui, le problème est plutôt d'en trouver, du personnel. Si il se comporte en exploiteur, un indépendant risque vite de manquer de bras."

#4. Il faudrait une commission paritaire unique pour couvrir tous les supermarchés, qu'ils soient intégrés ou exploités par des indépendants.

Chiche ! Ça existe bien dans d'autres marchés. Fondamentalement, ce n'est pas faux : on éviterait déjà d'attribuer le passage à la franchise à un pur opportunisme gestionnaire. Mais il est un peu dommage qu'il faille attendre que la situation se présente, chez Mestdagh puis chez Delhaize, pour le souhaiter. Parce que rappellons-le, il n'y a pas chez nous deux, mais trois commissions paritaires distinctes. Outre la CP 201 et la CP 202, il y a aussi la CP 312, réservée aux seuls salariés de Carrefour, un héritage de la gestion des ressources humaines volontiers paternaliste et généreuse du GIB Group, avant le passage au XXIe siècle. Chaque fois que Carrefour plaide pour ne fût-ce que pouvoir être placé dans les mêmes conditions que ses concurrents, on lui répond que s'il doit y avoir un nivellement, ce ne peut être que par le haut. D'où les réactions que nous avons entendues ça et là : "Il ne s'agit pas de faire du bashing à propos des syndicats. Mais ils ont leur part de responsabilité, pour s'être montrés rigides et doctrinaires sur la question des commissions paritaires.”

#5. Un réseau Delhaize 100% composé d'indépendants, c'est réaliste ?

C'est en tout cas viable. Prenez le marché français. Premier en parts de marché en ce mois de février, des indépendants : E. Leclerc, 22.4%. Ils précèdent Carrefour, 20,1%, qui recouvre à la fois magasins intégrés et franchisés. En 3e et 4e place, de purs indépendants : Intermarché, 15.8%, et Système U, 11.6%. Mais ce qui réunit E. Leclerc, Intermarché et Système U en France, c'est ce point commun : ce sont aussi eux qui prennent en centrale les décisions stratégiques, eux qui décident de la politique de l'enseigne et des marges. Pour séduire de nouveaux entrepreneurs, Delhaize va devoir faire preuve envers ses affiliés d'une grande transparence. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est ce que des indépendants nous signalent. Ce n’est plus seulement le consommateur qui doit être satisfait, c’est le partenaire indépendant. Sur ce plan là aussi, la concurrence se renforce, et exige qu’on tienne toutes ses promesses.