Suivez l'actualité du secteur en temps réel !
Inscrivez-vous à notre newsletter

Je deviens membre

Delhaize : dialogue de sourd avec les syndicats

Catégorie

Actualité

Publication

15/03/2023

Delhaize : dialogue de sourd avec les syndicats

Le résultat du Conseil d'entreprise tenu au pas de course ce matin est conforme à ce qui était attendu : on assiste bien à la confrontation de deux points de vue inconciliables.

Mardi dernier, la direction de Delhaize avait clairement indiqué qu'elle ne comptait pas à proprement parler engager de négociations sur le principe d'un basculement total vers un modèle d'affiliation: il ne s'agissait pas d'une hypothèse, mais d'une décision acquise. Tout au plus ne rejetait-elle pas le principe d'une "information" ou d'une "consultation". Bien évidemment, les syndicats ne l'entendent pas de cette oreille. Ils refusent le principe même de ce choix qui basculerait les collaborateurs vers la commission paritaire 201, à priori moins favorable en termes de rémunération, d'horaires, de prestations du dimanche, et qui, en répartissant tout le parc dans des PME séparées, les priverait d'une représentation au Conseil d'entreprise et de la présence d'une délégation syndicale permanente.

Le temps est donc celui de la confrontation, du refus, et de la démonstration de force, quitte à agiter la menace du blocage des dépôts, qui fut bel et bien exercée récemment chez Intermarché, à Villers-le-Bouillet, avant d'être levée en présence d'un huissier. Et tout ceci laisse effectivement présager un conflit dans la durée. On a beaucoup évoqué l'émotion que provoque cette décision de Delhaize. Mais il est peu probable qu'il s'agisse simplement d'une poussée de fièvre temporaire, d'une soupape provisoire destinée à laisser s'échapper un peu de colère et de frustration. Comment sortir de l'impasse actuelle, quand elle résulte de deux positions radicalement différentes et irréconciliables ? Chaque partie pourra toujours opposer à l'autre sa rigidité.

L'une des questions-clefs est bien entendu celle des garanties que la Direction de Delhaize déclarait vouloir apporter au personnel des magasins concernés quant à leurs conditions. Ce n'est effectivement pas un détail, et compte tenu de l'absence totale de dialogue, il est aujourd'hui impossible de juger de sa sincérité. Les syndicats observent déjà que ces garanties n'engagent pas vraiment les repreneurs indépendants, qui pourraient très bien se rétracter ultérieurement. Quant aux affiliés Delhaize, dont certains ont clairement déjà fait part de leur intérêt, ils ne disposent de toute façon d'aucune visibilité sur les conditions contractuelles qui leur seraient proposées, y compris par exemple sur l'obligation de reprise de tout ou partie du personnel et à quelles conditions. Si Delhaize leur destinera très bientôt une information superficielle sur le processus, à titre d'information, l'enseigne souhaite par ailleurs qu'ils ne s'expriment pas sur l'actualité en cours. Un exploitant d'un AD Delhaize bruxellois avait répondu ce week-end à la curiosité de nos confrères de la presse quotidienne, et il a vite réalisé, en voyant des grévistes temporairement bloquer son magasin, qu'il y avait de gros risques pour les indépendants à s'exprimer dans ce climat très tendu. Ce conflit social autour du sort de magasins intégrés, c'est bien à Delhaize qu'il incombe de le gérer.

Ce n'est plus seulement dans les magasins qu'on s'inquiète : c'est aussi le cas à la centrale, semble-t-il. Tout cela n'est pas particulièrement propice à installer un climat détendu.

Comment compte-t-il le faire ? Il est à nouveau prématuré de l'envisager : on ne négocie pas sur la place publique, en particulier quand il n'y a pas même de négociation. Toutefois, on ne s'engage pas dans un tel chantier polémique sans avoir préparé des hypothèses, des scénarios, des pistes capables de sortir à un moment de l'impasse. Ce silence a pourtant aussi des inconvénients. Ce n'est plus seulement dans les magasins qu'on s'inquiète : c'est le cas à la centrale, semble-t-il. Quelle sera la cure de rigueur que va y subir l'effectif ? Suivant quelles méthodes procédera-t-on au tri, et dans quelles conditions ? Tout cela n'est pas particulièrement propice à installer un climat détendu.

Alors oui, décidément, voilà un conflit qui promet de s'étaler dans la durée, comme l'annoncent déjà les syndicats. Et pas seulement chez Delhaize. Le rachat préalable du parc Mestdagh par Intermarché, connu depuis un an et entré en vigueur depuis janvier, se heurte à la même hostilité de principe. Si le résultat aboutit là aussi à un basculement vers les indépendants, ce n'est toutefois pas suite à un changement de modèle inattendu : c'est depuis toujours conforme au fonctionnement des Mousquetaires. Difficile de dire dans ces conditions ce que représente pour Intermarché cette actualité Delhaize. Une confirmation de la validité de leur approche, qui relativiserait même leur propre situation ? Un facteur malvenu qui risque de venir contaminer leur propre dialogue social ? Ou tout simplement une concurrence imprévue pour boucler le recrutement de ces fameux profils d'entrepreneurs ?  Chez Intermarché aussi, le silence est d'or. Alors on se fait patient. Et il va falloir s'en armer, de patience. Probablement jusqu'à la fin de l'été.