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La Belgique est-elle prête pour les magasins automatiques ?

Catégorie

Actualité

Publication

12/01/2022

La Belgique est-elle prête pour les magasins automatiques ?

Le magasin automatique est un concept qui a déjà fait fureur chez de grands retailers à l’étranger et qui fait à présent aussi son apparition chez nous. OKay a ouvert son premier magasin automatique le 9 novembre, mais qu’en est-il des autres retailers belges ? 

Entrer dans un magasin avec une appli, sortir ses produits des armoires et frigos en scannant un QR-code, régler automatiquement et quitter simplement le magasin... Cela ressemble pour beaucoup à une scène qui pourrait être tirée d’un film. Les magasins automatiques sont un business en plein essor à l’étranger – pensez aux magasins Amazon Go qui ont poussé comme des champignons ou aux concepts automatisés de grands retailers comme Auchan, Monoprix et même Carrefour. Jusqu’il y a peu, le concept ne semblait pas vraiment décoller en Belgique. En dehors des trois magasins automatiques de la start-up belge Para Ti, situés à Beernem, Bruges et Sijsele et qui proposent surtout des produits locaux, aucun grand retailer n’avait encore pris le taureau par les cornes. C'est chose faite, puisque OKay a ouvert le 9 novembre 2021 son tout dernier concept de magasin OKay Direct, un magasin automatique de 150m², situé dans la Belfortstraat, dans le centre de Gand. Grâce à la technologie développée par Smart Technics, start-up du groupe Colruyt, les consommateurs peuvent y faire leurs emplettes 24h/24 et 7j/7 de manière totalement autonome, en pouvant choisir parmi 650 produits. Une première en Belgique.

Dans les magasins automatiques, tout est question de commodité. Les grands acteurs comme Amazon veulent réagir aux vies trépidantes des consommateurs et leur offrir la possibilité de faire des courses rapidement et à tout moment. “Le concept s’adresse surtout aux consommateurs actifs, qui ont peu de temps et suivent les nouvelles technologies”, explique Fank Rosenthal, expert en trade marketing. “Il fonctionne en outre particulièrement bien dans les centres-villes, qui sont très denses et où la demande pour des plages horaires d’ouverture plus étendues est importante. Un concept comme celui de OKay Direct, qui est ouvert 24h/24 et 7j/7, répond habilement à cette demande.” 

Tests antérieurs

Ce n’est pas la première fois que des retailers expérimentent les magasins automatiques ou des concepts similaires. Albert Heijn avait ainsi testé en septembre 2019 un Albert Heijn to go entièrement numérique. Le magasin de 14m², qui a été testé pendant deux mois par des collaborateurs pour le siège d’Albert Heijn à Zaandam, puis par des consommateurs à Schiphol, était truffé d’innovations technologiques développées avec la collaboration d’AiFi et d’ING. Les clients pouvaient ainsi ouvrir automatiquement la porte du petit magasin avec leur carte de débit ou de crédit, faire leurs courses sans scanner les produits grâce aux technologies avancées de vision et de détection assistées par ordinateur, payer automatiquement à concurrence de 25 euros et quitter ensuite le magasin. “Des caméras voient où vous vous trouvez dans le magasin et quels produits vous emportez. Ceux-ci sont alors ajoutés à votre panier virtuel”, nous avait expliqué Steve Gu, CEO et cofondateur d’AiFi, au moment du lancement. “Des capteurs placés dans les étagères détectent si vous prenez un produit ou le remettez en place. L’association des caméras et des capteurs permet de suivre avec une grande précision les produits qu’un client emporte.” Le magasin pilote devait surtout offrir plus de commodité aux clients vu qu’il était entièrement automatisé et qu’il pouvait être installé partout, là où il y avait un besoin (temporaire) d’un petit commerce. Mais le projet n’est finalement pas allé jusque-là. L’essai a été bouclé, et Albert Heijn dit avoir commencé à travailler avec certains éléments du test, mais l’enseigne n’a entre-temps pas déployé de magasin entièrement numérique, que ce soit aux Pays-Bas ou chez nous.

Albert Heijn a par ailleurs testé un concept similaire : des magasins Albert Heijn to go sans personnel sur des sites de bureaux. Les collaborateurs et les visiteurs d’une entreprise peuvent ainsi scanner et payer eux-mêmes leurs produits dans un petit magasin. Les Pays-Bas comptent plusieurs dizaines de ces magasins autonomes ; en Belgique, le concept est testé au bureau du partenaire Selecta, à Boom. Bien qu’à la base, il ait été question de déployer le concept sur minimum 25 autres sites de bureaux en Belgique dans le courant de l’année, Albert Heijn a fait savoir dès le mois de juin qu’il doutait que ce déploiement puisse encore avoir lieu cette année. Et la situation n’a pas beaucoup évolué depuis.

Outre Albert Heijn, Carrefour aussi a par le passé évoqué le projet d'un magasin automatique en Belgique, mais selon un concept un peu différent : dans le magasin qui serait ouvert 24h/24 et 7j/7, les clients pourraient venir enlever les produits commandés en ligne et faire leurs courses à l’aide d’un distributeur automatique. L’idée était que les gens transmettent via un écran les produits qu’ils souhaitaient acheter, après quoi de grands appareils automatisés auraient rassemblé la commande. Mais le projet n’est finalement pas allé jusque-là, car avant même que le magasin ne puisse effectivement ouvrir ses portes, l’idée a de nouveau été rejetée parce qu’elle ne répondait pas selon Carrefour aux besoins des clients ni aux exigences de qualité de l’enseigne. 

“La technologie utilisée doit être extrêmement simple d’utilisation”

Comme les essais précédents l’ont déjà démontré, l’ouverture d’un magasin automatique est une affaire délicate qui s’accompagne d’inévitables difficultés. Il est tout d’abord important que l’offre corresponde parfaitement à ce qu’on attend d’un magasin automatique : seuls les produits à très grande rotation entrent en considération. Deuxièmement, la technologie utilisée doit être suffisamment fiable et réplicable pour que les retailers puissent l’utiliser partout. “Les retailers qui veulent se concentrer sur ce marché vont devoir consentir de gros investissements sur le plan de la technologie. Prenez l’exemple d’Amazon, et vous verrez que le géant de l’e-commerce investit en moyenne 1 million d’euros par magasin Amazon Go. C’est beaucoup vu la petite taille du magasin. La rentabilité n’est donc certainement pas encore au point”, déclare Frank Rosenthal. Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, la technologie utilisée doit être très facile d’utilisation. “Cela peut paraître évident, mais il est très important que les clients puissent télécharger en quelques secondes l’application dont ils ont besoin pour entrer dans le magasin. Si cela prend trop de temps, beaucoup de gens risquent d’abandonner et d’aller faire leurs courses ailleurs.” La technologie doit être évidente et les gens doivent directement en comprendre tout le fonctionnement. “Au début, les retailers peuvent envoyer du personnel supplémentaire au magasin pour s’assurer que les consommateurs sachent bien comment tout fonctionne et pour pouvoir les aider s’ils ont des questions. Amazon Go par exemple l’a fait au début. Cela permet de lever les éventuels freins à l’utilisation du système”, poursuit Frank Rosenthal. 

Aldi ouvre le magasin sans caisse

Les choses commencent entre-temps à bouger tout doucement, car parallèlement à OKay, Aldi a fait part de sa volonté d’ouvrir au début de l’année prochaine un magasin sans caisse/automatique de 500m² à Utrecht, au croisement entre l’Oudegracht et la Lange Viestraat. Dans ce nouveau magasin, les courses sont automatiquement réglées grâce à une application spéciale et à des détecteurs qui enregistrent les articles que le client dépose dans son caddie. Les clients n’ont plus qu’à télécharger une application et à scanner le QR-code aux portiques situés à l’entrée et à la sortie du magasin. Aldi insiste sur le fait que le système n’a pas recours à la reconnaissance faciale, aux scans des yeux ou des empreintes, ni à d’autres caractéristiques biométriques. “Le système suit uniquement les mouvements du client et de l’article”, a fait savoir l’entreprise, qui collabore pour ce projet avec Trigo Vision Ltd., développeur de la technologie. Bien que le test commence aux Pays-Bas, Aldi Belgique se dit intéressé par le déploiement du concept dans notre pays aussi. “Nous allons suivre ce test de près. Nous analyserons le pilote des Pays-Bas fin 2022. Nous allons étudier les choses à faire et à ne pas faire, et voir à partir de là s’il y aura aussi un déploiement en Belgique”, déclare Jason Sevestre, porte-parole d’Aldi Belgique. Si le concept marche et est aussi approuvé par Aldi Belgique, il y a donc de fortes chances pour que le magasin puisse être déployé dans notre pays à partir de 2023. 

Pas de projets chez les autres retailers pour le moment

Mais qu’en est-il des autres retailers ? Il ne semble pas pour le moment que d’autres retailers belges vont se dépêcher de suivre avec leurs propres concepts automatisés. D’après un sondage de Gondola auprès des retailers belges, il semble en effet que la plupart d’entre eux n’ont pas de projet concret de déploiement rapide de ce type de concept dans notre pays. “Nous étudions toujours toutes les tendances en Belgique et à l’étranger, mais nous n’avons pas pour le moment de projet concret pour nous y mettre”, fait savoir Roel Dekelver, porte-parole de Delhaize. Même son de cloche chez Carrefour et Lidl, entre autres. Albert Heijn estime que ses projets ne sont pas encore assez concrets pour en parler, et Jumbo annonce qu’il continue à suivre de près les développements en matière de caisses automatiques, mais souligne qu’il estime important “de ne pas perdre de vue le contact personnel, que bon nombre de nos clients apprécient justement. Ainsi, les clients peuvent aussi payer à des caisses traditionnelles dans nos magasins, et nous avons même annoncé récemment l’ouverture d’un plus grand nombre de caisses de bavardage, notamment en Belgique.” Il ne semble donc pas que la chaîne de supermarchés soit sur le point de lancer un concept automatisé. Cora annonce lui aussi que ce concept automatisé ne sera pas une priorité pour l’instant. “D’après de récentes études internes, les clients accordent beaucoup d’importance à la convivialité de la zone de caisse”, déclare Cora. “Les magasins automatiques sont en outre plus faciles à développer dans de plus petites structures. Ce développement est nettement plus compliqué pour les hypermarchés.”

"Le Belgique n'est pas à la traîne"

Le fait qu’en dehors de OKay Direct et du futur magasin automatique d’Aldi, il n’y ait pas encore d’autres développements au niveau des magasins automatiques en Belgique ne doit pas poser problème selon Frank Rosenthal. “La Belgique a bien pris le train des magasins automatiques en marche et est donc bien dans les temps quand on compare la situation avec d’autres pays”, explique-t-il. “Les initiatives sont peut-être encore peu nombreuses dans notre pays, mais il ne faut pas oublier que les magasins automatiques sont un concept assez récent. Le premier Amazon Go n’a ouvert ses portes qu’il y a 4 ans, et chez nos voisins aussi, nous voyons que le concept n’a vraiment décollé que cette année. Monoprix n’a ainsi lancé son magasin partiellement autonome qu’au mois de juillet à Paris, Auchan a inauguré cet automne sa nouvelle formule Auchan Go sur un campus universitaire et Carrefour lance fin novembre sa toute dernière formule automatisée : Flash 10-10. La Belgique a donc certainement encore assez de temps pour surfer sur cette vague.” Maintenant que le coup d’envoi des magasins automatiques a été donné en Belgique, il ne faudra d’après Frank Rosenthal plus longtemps avant que d’autres retailers n’embrayent. “Les retailers se montrent peut-être frileux, mais il est évident qu’ils suivent tous les développements de près. Carrefour a déjà lancé des magasins automatiques au niveau international, et tient donc certainement OKay Direct à l’œil. Je pense aussi que Delhaize ne va pas laisser le champ libre à OKay sur un marché qui ne va cesser de gagner en importance. Je ne serais donc pas surpris si Delhaize arrivait aussi bientôt avec un concept de ce genre dans une grande ville comme Bruxelles ou Anvers”, conclut-il.

Paru dans Gondola

 

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