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« 85% des indépendants sont déjà sous respirateur artificiel »

Catégorie

Actualité

Publication

02/09/2022

« 85% des indépendants sont déjà sous respirateur artificiel »

Le Codeco énergie qui s’est achevé mercredi soir a, sans grande surprise, accouché d’une souris. Quelques ‘mesurettes’ ont été annoncées, mais aucune décision forte. Pourtant il y a urgence, clament en chœur, Pascal Niclot, président d’APLSIA et Alexandre Terlinden, CEO de Delitraiteur.

Prolongation dans le temps de plusieurs mesures d’urgence (TVA à 6% sur le gaz et l’électricité, tarif social étendu, baisse des accises sur le carburant…), concertation avec le secteur financier sur d’éventuels reports de paiement des crédits hypothécaires, mesures liées à la sobriété énergétique… Et ? Et c’est à peu près tout ce sur quoi le Codéco énergie de mercredi soir a débouché. Tout au plus un hypothétique cadre temporaire de crise destiné à « soutenir nos entreprises face à la flambée des prix » a également été évoqué par le gouvernement fédéral.

Pour le reste, la Belgique s’en remet à l’Union européenne, seule à pouvoir prendre des mesures structurelles pour faire baisser les prix du gaz et de l’électricité comme un blocage ou un plafonnement. Des ‘mesurettes’ qui semblent bien insuffisantes pour répondre à l’urgence de la crise actuelle, et notamment celle que traversent les retailers indépendants et franchisés.

« Covid financier »

« Ils sont au plus mal », confirme Pascal Niclot, président d'APLSIA (Association professionnelle du libre-service indépendant en alimentation). « La plupart d’entre eux sont déjà sous respirateur artificiel, et pour certains la bonbonne sera vide d'ici quelques semaines seulement. Si on ne les aide pas maintenant, ces gens vont, excusez-moi du terme, littéralement crever. La seule chose qui leur permet de tenir pour l’instant, c’est la motivation et la volonté de répondre à la demande des consommateurs, certainement pas la rentabilité... »

Très remonté, celui qui est par ailleurs affilié Delhaize n’hésite pas à employer les termes les plus forts pour traduire son inquiétude. « Tous ces gens sont victimes d'un véritable Covid financier, je ne vois pas d’autre mot. Après l’augmentation des frais de personnel et les pénuries d’employés, voilà que ce sont les prix de l'énergie qui explosent. Certains ont vu leurs factures tripler voire quadrupler. Dans ces conditions, comment voulez-vous que ces indépendants arrivent à garder la tête hors de l'eau ? C'est tout bonnement impossible ! Et j'ai l'impression que très peu de gens s’en rendent compte. » Si la situation n’évolue pas, 85% des indépendants ne pourront pas se sauver, redoute même Pascal Niclot, qui souligne que ces faillites professionnelles ne manqueront pas d’entraîner des catastrophes personnelles : vente forcée de maison, déchéance de crédit, etc. « Je suis d’un naturel positif et je ne veux en aucun cas être inutilement alarmiste, mais on se dirige vraiment droit dans le mur. »

« L'équation va devenir très compliquée pour beaucoup de franchisés »

« Si je prends la photo du réseau Delitraiteur, avec des coûts énergétiques qui demeurent inchangés et l'indexation des salaires qui se profile le 1er janvier, l'équation va devenir très compliquée pour beaucoup de franchisés », confirme Alexandre Terlinden, CEO de la chaîne. « À un moment donné, il va absolument falloir trouver une solution pour réguler le marché de l'énergie, et dans le même temps faire cesser cette spirale inflationniste qui va nous conduire à la catastrophe. » Pour le manager, une piste de réflexion pourrait être d’une part de bloquer les prix de l'énergie, et d’autre part de sortir l'énergie du calcul de l'indexation des salaires. « Bien sûr cela n'arrangera pas tous les partis politiques. Mais si l’on ne sort pas l'énergie du calcul de l'indexation, on va se retrouver avec une explosion des salaires aujourd'hui estimée à entre 8 et 10%, ce qui est insoutenable pour une entreprise. »

Une autre possibilité serait d’appliquer cette indexation uniquement sur les moyens et bas salaires, propose également Alexandre Terlinden. « Les cadres supérieurs devraient alors quelque part supporter cette augmentation du coût de la vie au travers d'une légère perte de pouvoir d'achat, mais cela permettrait de maintenir l'emploi en Belgique et de sauver les PME. »

« Les politiques n'auront bientôt plus le choix, les gens vont descendre dans la rue »

Rien ou presque de tout cela n’a été évoqué par le Codeco énergie de mercredi soir. « Ce n'est pas vraiment une surprise », note le CEO de Delitraiteur. « Face à la pression croissante, je pense que le monde politique a surtout voulu faire quelque chose pour tenter de faire bonne figure. Aucune décision vraiment pertinente n'en est ressorti » Pourtant, Alexandre Terlinden ne se montre pas non plus totalement pessimiste pour la suite. « Je pense que les politiques n'auront bientôt plus le choix, tout simplement parce que les gens vont descendre dans la rue, et je serai l’un des premiers à le faire. Avant d’en arriver là, il faut toutefois attendre le Conseil des ministres de l'Énergie de l’UE, le 9 septembre prochain. Nous sommes en droit d'en attendre énormément, c'est-à-dire une décision sur le blocage des prix, assorti d’une modification structurelle du mécanisme de fixation des prix de l'électricité. Mais si rien ne bouge après cette date, je pense que le citoyen, le monde l'entreprise et les fédérations devront accentuer la pression sur le politique parce qu’il n'y aura alors plus d'autre alternative. »

Et Pascal Niclot de conclure : « Il est temps que nos politiques prennent conscience que continuer ainsi, c’est prendre le risque de perdre une grosse partie des rentrées de l’État. Les PME constituent le poumon de l'économie belge, alors pourquoi continuer à les étouffer ? À quelle situation doit-on arriver pour qu'ils comprennent enfin cela ?