Cette année, le secteur belge de la distribution alimentaire se lance dans un sprint final comme s’il s’agissait d’une finale décisive. Le consommateur est pris dans une tempête d’offres et de promotions qui semblent chaque semaine plus extrêmes. Pourtant, cette fin d’année n’est pas une bataille en soi : c’est le prélude à 2026.
Qui est le plus fort ?
Albert Heijn a récemment mis le feu aux poudres avec une promotion « sept pour le prix de deux » qui offrait plus de 70 % de réduction. Colruyt a dû réagir. Non pas parce qu’ils le voulaient à Halle, mais parce qu’ils y étaient obligés. La garantie du prix le plus bas oblige la chaîne à agir, même lorsque cela devient financièrement douloureux. Colruyt a ainsi même contré les offres du Black Friday de Kruidvat.
Colruyt doit désormais réagir presque chaque semaine à des concurrents beaucoup plus puissants. Albert Heijn fait partie d’un groupe près de neuf fois plus grand. Aldi et Lidl sont des géants allemands dotés d’un pouvoir d’achat sans précédent. Et même si le PDG Alexandre Bompard doute de l’importance de la Belgique, Carrefour reste un acteur mondial disposant de moyens dont Colruyt ne peut que rêver. Dans ce contexte, le leader du marché belge semble être un boxeur dans la mauvaise catégorie de poids : réagir est encore possible, mais continuer à réagir est une autre histoire.
Un terrain de jeu inégal
Les nombreuses actions montrent surtout à quel point le marché s’est déséquilibré. Outre les différences d’échelle, il existe également d’importantes différences de coûts, notamment entre les magasins gérés en propre et les supermarchés indépendants. Les chaînes intégrées doivent payer leur personnel deux fois plus cher le dimanche, ce qui n’est pas le cas des magasins indépendants. Par conséquent, Albert Heijn, Delhaize, Carrefour (Market et Express), Intermarché, Jumbo et Spar sont tous ouverts le dimanche.
Colruyt et Carrefour dénoncent depuis des années le déséquilibre de la situation. Aldi se joint désormais à eux, mais les responsables politiques restent silencieux. Entre-temps, chez Delhaize, la franchise tourne à plein régime, avec des indépendants extrêmement motivés, et même de grands projets pour 2026 : pas moins de sept nouveaux grands supermarchés vont voir le jour. Ils tablent sur un chiffre d’affaires alimentaire supplémentaire potentiel de 320 millions d’euros. Cela représente en théorie 45 millions par magasin, soit 865 000 euros par semaine.
Si Delhaize atteint ne serait-ce que la moitié de cette prévision, ce sera déjà impressionnant. Albert Heijn et Jumbo ont du mal à ouvrir cinq magasins par an. Sept, c’est un signe d’audace, tout comme Lidl, qui veut ouvrir 80 nouveaux magasins d’ici 2038, même si le discounter est encore en perte aujourd’hui. Ils mettent la pression.
Carrefour abandonne-t-il ?
Jumbo se prépare également, après une importante refonte cette année. Trois membres de la direction ont été licenciés et la chaîne néerlandaise évolue désormais vers un club d’anciens de Lidl avec une touche belge. Jesper Højer, l’homme qui a fait passer la part de marché de Lidl Belgique de 5,2 à 7,5 %, et Boudewijn van den Brand en fixent désormais les grandes lignes. L’année prochaine, Jumbo n’aura peut-être plus aucune chance. Les ingrédients d’une contre-attaque sont réunis.
Carrefour envisagerait-il donc de se retirer ? Pas du tout, si l’on en croit le PDG belge Geoffroy Gersdorff. Lors de la RetailDetail Night, il a subtilement laissé entendre que Carrefour était même leader du marché dans plusieurs domaines : les hypermarchés, les magasins de proximité, le « quick commerce » et surtout le dimanche, où un euro sur trois serait dépensé chez Carrefour. Les parts de marché sont pour l’instant une sorte de secret d’État en Belgique, mais personne ne l’a contredit.
Les achats transfrontaliers, une menace oubliée
Les achats transfrontaliers sont et restent une menace structurelle pour le commerce alimentaire de détail belge. Une part croissante du chiffre d’affaires disparaît au profit de l’Allemagne et du Luxembourg, tandis que les Pays-Bas et la France exercent également un attrait durable. Tout simplement parce qu’aujourd’hui, le consommateur peut voir d’un simple clic sur son smartphone si le même panier est moins cher de l’autre côté de la frontière. La logique est implacable : si certains produits sont moins chers, cela vaut la peine de faire le trajet.
Les quatre forces qui marqueront 2026
2026 ne sera pas une année tranquille. Ce sera une année de redistribution du marché belge de la distribution alimentaire. Les opportunités ne sont pas fixes, pas plus que les rapports de force. Ceux qui ne passent pas à la vitesse supérieure cette fin d’année se retrouveront sur la touche l’année prochaine.
Les quatre principaux champs de bataille :
- Les magasins indépendants, comme les sept nouveaux supermarchés Delhaize.
- Le dimanche devient la nouvelle ligne de front.
- La croissance numérique s’accélère.
- Le local est le nouveau premium.
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