Intermarché Belgique est en plein essor depuis la reprise de Mestdagh, ce qui ne veut pas dire que l'enseigne, confrontée au chantier d'intégration, soit aujourd'hui bénéficiaire. C'est bien la maison-mère française qui détient le pouvoir, depuis qu'elle a converti sa créance en actions de la filiale belge. Et ce pouvoir, elle va l'exercer en nommant à la tête de cette dernière un ténor du groupement.
Intermarché n'est pas une enseigne qui communique volontiers, et c'est particulièrement vrai en Belgique. A chaque changement majeur dans la gouvernance du groupement dans notre pays, c'est la presse française qui a la primeur de l'information, sous forme de fuites. Et c'est encore le cas cette fois : c'est par un papier badgé "exclusif" de LSA qu'on a appris que Laurent Boutbien prendrait seul la présidence du conseil d’administration d'Intermarché Belgique le 1er septembre, succédant au duo de présidents belgo-français composé d'Antoine Florival et de Philippe Guilpain, nommé voici un an à peine, en juin 2024.
Les raisons de ce qui a l'apparence d'une reprise en main ? Plus que probablement la volonté de rentabiliser les opérations, un ratio qui a souffert avec l'achat du parc Mestdagh. Une opération judicieuse puisqu'elle a permis à l'enseigne de prendre une envergure toute autre, atteindre la masse critique qu'elle cherchait à atteindre depuis des décennies et doubler son chiffre d'affaires. La reprise de Mestdagh était un joli coup, et Carrefour, qui disposait pourtant en tant qu'actionnaire minoritaire de Mestdagh (25%) d'un droit de préemption, se mord les doigts de ne pas l'avoir exercé. Commercialement, la reprise des Mestdagh intégrés par des adhérents Intermarché a offert à ces magasins un souffle nouveau. C'est par dizaines que les nouveaux exploitants ont aussitôt rénové ces points de vente pour les mettre à niveau du dernier concept Intermarché en date, boostant aussi leur chiffre d'affaires dans des proportions spectaculaires.
Cependant, l'opération n'en restait pas moins coûteuse, en particulier sur le volet logistique et centrale Mestdagh. La branche Mestdagh avait perdu 89 millions en 2023, 30 millions en 2024, et l'intention était qu'elle atteigne l'équilibre à l'exercice 2025. Pour permettre cette opération, il fallait que le "grand frère" joue les banquiers. Les Mousquetaires français n'ont pas peur du risque, comme l'a montré leur rachat récent de 200 magasins Casino, puis de 81 magasins Colruyt en France. Mais ils sont manifestement soucieux de veiller au grain, et d'avoir le pouvoir de décision là où ils investissent. Et ce pouvoir, ils l'ont en Belgique, puisque dès octobre 2024, la maison-mère a converti en actions la dette de 117 millions d'euros que lui devait la filiale belge, sous forme d'une augmentation du capital de celle-ci, passé de 21,8 à 138,8 millions d'euros.
Nos confrères de LSA citent une note interne qu'ils se sont procurés, et qui considère que Laurent Boutbien devra « redresser les résultats économiques de l’amont et de l’aval », « maîtriser le coût du réseau et mettre en place le plan zéro portage » et « fiabiliser l’outil logistique ». Une mission qu'il devra remplir en collaboration avec Arnaud Meyrant, nommé directeur exécutif en avril 2025, en provenance du Groupe louis delhaize, qui n'aura bientôt plus de présence en Belgique, avec la fermeture des Cora.
Laurent Boutbien n'est pas le premier venu, chez Intermarché, ce qui montre l'importance de la mission que lui donne Thierry Cotillard, le grand patron du groupement. Ce Normand de 58 ans, qui exploite lui-même des magasins dans sa région natale, a dirigé le pôle immobilier, piloté Intermarché Portugal en 2019, et dirigé les enseignes Intermarché et Netto en France. C'est un proche de Didier Duhaupand, ex-président et rival de Thierry Cotillard.
Bien entendu, nous avons tenté d'obtenir des commentaires auprès des principales figures d'Intermarché Belgique. Qui n'ont pas réagi, ou nous ont invité à la patience.
Gondola