L’année 2025 a été une véritable montagne russe pour le secteur de la distribution alimentaire : une année où les cartes ont été complètement redistribuées, non seulement au Benelux, mais aussi ailleurs. Et pas seulement chez les détaillants, mais aussi chez les fournisseurs.
Une combinaison mortelle
Ceux qui cherchaient encore des preuves tangibles pour étayer la thèse selon laquelle la concurrence dans le secteur des supermarchés est féroce ont été comblés l’année dernière. Les rapports de force évoluent à un rythme sans précédent, et rien n’indique que la tempête va bientôt s’apaiser. C’est sur le marché belge que cela est le plus visible. Après la disparition récente de Makro, Mestdagh et Match/Smatch, le dinosaure de la distribution Cora va bientôt mettre la clé sous la porte .
Les survivants seront confrontés à un marché hyperconcurrentiel, en raison de la combinaison mortelle de nouveaux entrants étrangers en pleine croissance, de promotions choc révolutionnaires, d’une pression constante sur les prix, de la résurrection de Delhaize et de l’impact de l’ouverture quasi généralisée des magasins le dimanche. Le secteur craque et grince de toutes parts. Personne n’a plus de marge. On peut donc se réjouir que le commerce électronique ne veuille pas encore vraiment percer, même si l’inquiétude à ce sujet est grande chez les entrepreneurs indépendants.
Gagnants et perdants
Les gagnants ? Outre Delhaize (qui ouvrira au moins huit nouveaux grands supermarchés l’année prochaine, ce qui est également sans précédent, sans compter l’intégration de Delfood), on trouve également Albert Heijn, Jumbo, Lidl (malgré des chiffres dans le rouge) et Intermarché (qui semble toutefois connaître des difficultés de croissance). Les perdants ? Tout d’abord, le leader du marché Colruyt. Il s’agit toujours d’une entreprise financièrement saine et bien gérée, soyons clairs, mais les défis sont énormes. L’entreprise investit dans la technologie, développe ses chaînes de magasins de quartier et renouvelle son offre, mais elle est confrontée à une dure réalité démographique: les supermarchés à bas prix avec leurs remises sur volume ne sont pas la réponse à la tendance vers des familles plus petites et des ménages d’une seule personne.
Le facteur le plus incertain ? Carrefour, qui montre certes des signes d’amélioration, mais qui devra présenter des chiffres solides (et noirs) au siège du groupe à Massy pour convaincre Alexandre Bompard de ne pas vendre l’entreprise, comme en Italie et en Roumanie (et bientôt, en principe, en Pologne et en Argentine). Heureusement, ce n’est pas le dossier le plus urgent pour le PDG. Une bonne nouvelle toutefois : ces hypermarchés vont cartonner le dimanche, à partir du 18 janvier, c’est certain. Tout peut encore s’arranger.
Champ de bataille France
Vous voulez des prévisions ? Le gagnant de 2026 est déjà connu : c’est celui de 2025, mais avec un nouveau PDG. L’année prochaine, les deux chaînes d’Ahold Delhaize deviendront ensemble le leader du marché en Flandre. L’année prochaine, Colruyt, Aldi et Lidl prendront également des mesures concrètes pour pouvoir ouvrir le dimanche, qu’un accord soit trouvé ou non au sein des comités paritaires. Ils n’ont pas d’autre choix. Et non, Carrefour ne va pas (pour l’instant ?) disparaître.
La situation est-elle meilleure ailleurs ? Pas vraiment. Il suffit de regarder le champ de bataille français : Colruyt abandonne, Casino continue de rétrécir, Auchan remet en partie son sort entre les mains des Mousquetaires, les alliances d’achat doivent offrir des économies d’échelle dans un marché plus strictement réglementé qu’ailleurs. Dans toute l’Europe, le secteur est en pleine mutation. De plus, le danger vient également de l’extérieur du secteur : d’une part, des plateformes en ligne avec leurs prix cassés, d’autre part, des discounters non alimentaires qui vendent de plus en plus de produits alimentaires.
La fête est-elle finie aux Pays-Bas ?
Aux Pays-Bas, la forte inflation alimentaire a été le thème de l’année. Les supermarchés sont ouvertement accusés de s’enrichir : selon les politiciens et les associations de consommateurs, ils ont augmenté les prix plus que nécessaire, ce qui incite désormais les Néerlandais à faire leurs achats en Allemagne et en Belgique plutôt que l’inverse. Cela s’explique en partie par un numéro deux à la dérive : ces dernières années, Jumbo n’a pas su jouer son rôle de challenger, ce dont ont profité tant le leader du marché que les concurrents régionaux pour préserver leurs marges.
Cette situation pourrait prendre fin l’année prochaine. Aldi et surtout Lidl se reprennent, tandis que Jumbo passe à la contre-attaque avec une nouvelle équipe de direction. Une forte injection d’ADN Lidl devrait permettre au challenger malmené de redevenir un adversaire redoutable. Car il faut le dire : Albert Heijn, en passe d’atteindre 40 % de parts de marché, n’a pas rencontré beaucoup de résistance sur son marché domestique ces dernières années. Superunie, le club des chaînes familiales régionales qui doit déjà rechercher un nouveau PDG, ne peut pas vraiment se défendre et risque de perdre à l’avenir encore plus de membres qui n’ont ni successeur ni projet d’avenir.
Les multinationales sous la pression des actionnaires
Nous assistons également à un remaniement dans le paysage des fournisseurs. Les multinationales cotées en bourse subissent une pression croissante de la part des actionnaires activistes pour améliorer leurs performances financières. Cela entraîne une véritable vague de scissions et de fusions. Nestlé a remplacé son PDG et son président, a privatisé sa division eau et souhaite se débarrasser des marques les plus faibles. Unilever (qui a également un nouveau PDG) a introduit en bourse sa division glaces avec un succès raisonnable et va vendre encore plus de marques. Le fait qu’il s’agisse d’une question d’argent est démontré par la manière dont The Magnum Ice Cream Company traite la marque rebelle Ben & Jerry’s : les membres du conseil d’administration qui s’expriment ouvertement sont tout simplement réduits au silence.
Keurig Dr Pepper rachète le groupe de café JDE Peet’s pour se scinder immédiatement en un acteur nord-américain des boissons gazeuses et une entreprise mondiale de café. PepsiCo est contraint par un fonds d’investissement de procéder à des réductions de coûts douloureuses, Coca-Cola veut se débarrasser de Costa Coffee, ce qui ne se fait pas sans heurts.
Greenyard a déjà disparu de la bourse. Ferrero, une entreprise familiale qui n’a pas à craindre la pression des actionnaires, profite quant à elle des opportunités qui se présentent. Mars obtient enfin le feu vert pour l’acquisition de la société scindée Kellanova. L’ancien PDG de cette entreprise – un véritable spécialiste des scissions, en quelque sorte – sera bientôt à la tête de la plus grande partie de la société Kraft Heinz scindée. Plus près de chez nous, la fusion entre FrieslandCampina et Milcobel dans le secteur laitier est désormais finalisée.
Entre les oreilles
Et le consommateur ? Il fait ses choix. Les cafés à emporter coûteux s’envolent des comptoirs, les repas à domicile ne sont pas gratuits, les hypes TikTok n’ont pas de prix. Les marchés de Noël attirent les foules, bientôt la moitié de la population partira à nouveau en vacances au ski et les billets pour Tomorrowland sont commandés. Mais tout est dans la tête, après le pic d’inflation de ces dernières années.
Une ruée vers une promotion 2+5 est peut-être complètement absurde (à y regarder de plus près, l’avantage n’était pas si exceptionnel que cela), mais la perception est primordiale et le secteur récolte ce qu’il a semé. Quelle est encore la crédibilité du prix de vente soi-disant « fixe » alors que de plus en plus de marques nationales se voient contraintes de continuer à lancer des promotions exceptionnelles dans des catégories clés presque toute l’année ? Cela risque de devenir une spirale descendante néfaste. Essayez donc de vous en sortir.
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