Enquête
12/12/25

INTERVIEW - “Carrefour qui quitterait la Belgique ? Susciter la peur peut être une stratégie”

Les négociations sectorielles dans le retail sont dans l'impasse, selon les syndicats. Ils soulignent la division qui règne entre les employeurs et prédisent encore plus de drames après la disparition de Cora. « La moitié des magasins franchisés sont en difficulté. »

Dans un communiqué de presse, le syndicat socialiste annonce que les négociations avec les employeurs sont dans l'impasse. « Toutes nos propositions ont été rejetées », déclare Lindsey Verhaeghe, secrétaire du BBTK-ABVV. Les syndicats veulent mettre en place un cadre sectoriel solide pour un certain nombre de questions brûlantes dans le secteur, telles que l'ouverture le dimanche, les contrats précaires comme les flexi-jobs et les contrats étudiants, et la flexibilité en matière de durée moyenne du travail. « Mais les employeurs affirment qu'ils n'ont pas le mandat pour conclure des accords à cet égard. Ils sont très divisés. Certains distributeurs ont des intérêts contradictoires. »

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Vous faites référence à Colruyt, Lidl et Aldi, qui souhaitent une unification des commissions paritaires.

Les noms sont connus. Je pense qu'il est clair qu'ils veulent changer les choses au niveau des commissions paritaires. Celles-ci sont pour eux un boulet.

Vous-mêmes souhaitez une harmonisation des commissions paritaires. Comment ?

Nous sommes favorables à la suppression de la commission paritaire pour les petites entreprises pour les indépendants qui possèdent de nombreuses franchises. Certains comptent 10 ou 15 magasins. Nous voulons de meilleures commissions paritaires pour ces acteurs. Ils abusent du système actuel.

Vous prédisez des drames dans le secteur. Est-il judicieux de faire de telles déclarations dans les circonstances actuelles ?

Il y aura des drames si la situation continue dans cette voie. Sans règles du jeu correctes, les retailers se nuisent mutuellement. L'un des domaines dans lesquels ils se font concurrence est celui des conditions de rémunération et de travail du personnel. Voulons-nous des contrats très bon marché et précaires ou voulons-nous des emplois de qualité ? Telle est la question. Pour nous, la concurrence ne doit pas se faire au détriment des travailleurs.

Vous avez obtenu que Carrefour ne franchise pas ses propres magasins avant le 1er juillet 2028. La lutte contre la franchise est-elle tenable ?

Nous nous battrons toujours pour des emplois de qualité. Dans les magasins intégrés, les travailleurs sont mieux protégés, car il y a une concertation sociale. Personne ne s'enrichira en travaillant dans la vente, mais nous voulons une rémunération équitable. C'est plus difficile dans les magasins franchisés.

Vous affirmez que la moitié des magasins franchisés sont en difficulté. Ce n'est pas ce que disent les employeurs.

Nous avons examiné les bilans de différents magasins. Nous y avons souvent vu des chiffres dans le rouge. Le risque est bien sûr pour l'entrepreneur indépendant. Beaucoup dépend de ses capacités individuelles, mais il n'est pas vrai que les magasins franchisés sont automatiquement mieux organisés. Dans le cas des magasins Delhaize, on constate également qu'ils ont obtenu des conditions intéressantes pour une certaine période de démarrage, mais qu'en sera-t-il une fois cette période terminée ?

Selon vous, les informations relatives à un éventuel départ de Carrefour de Belgique étaient une tentative d'influencer les négociations sur les ouvertures dominicales.

Carrefour n'a pas dit qu'il allait partir. La Belgique ne fait pas partie de ses priorités, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il ne va plus investir dans notre pays. Ce n'est d'ailleurs pas ce qui nous a été communiqué lors des réunions de concertation. Le fait que l'information concernant un éventuel départ ait été divulguée la veille des négociations cruciales ne nous a pas semblé être une coïncidence. Susciter la peur peut parfois être une stratégie. Nous ne voulions pas entrer dans ce jeu. Je pense que l'accord sur les ouvertures dominicales montre que Carrefour souhaite poursuivre ses activités en Belgique.

Le dialogue social est dans l'impasse. Comment aller de l'avant ?

C'est une bonne question. Un préavis de grève a été déposé, mais nous ne poussons pas nos membres à faire grève. Nous voulons nous asseoir autour de la table pour un dialogue constructif. Les employeurs ont clairement indiqué qu'il n'y aurait plus de nouvelles négociations cette année. Ils donnent l'impression que nous faisons obstruction, mais ce n'est pas le cas. Nous voulons parvenir à une vision claire de l'avenir du commerce. Où voulons-nous aller ? Quel est l'impact du commerce électronique et de l'IA sur le secteur et l'emploi ? Quel type d'emplois voulons-nous ? Allons-nous continuer à autoriser l’arrivée des chaînes de distribution étrangères, alors que le pouvoir d'achat des consommateurs n'augmente pas ? Nous voulons développer une vision commune à ce sujet. Nous nous réunirons à nouveau autour de la table au début de l'année prochaine.

Gondola

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