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Agression, ce n’est JAMAIS un événement banal.

Catégorie

Actualité

Publication

11/02/2022

Agression, ce n’est JAMAIS un événement banal.

Un jeudi après-midi, un soleil pâle dans un printemps pluvieux dans CPAS d’une petite ville de province ...

Les effectifs en présence sont réduits depuis la généralisation du télétravail. Mais l’institution continue à rendre les services que la loi lui impose et ceux fixés par choix politiques. L’organisation du travail a été pensée, élaborée et mise en place pour que chaque bénéficiaire, chaque citoyen, puisse recevoir l’aide à laquelle il a droit et dont il a besoin.
Les horaires adaptés ont été communiqués via les réseaux sociaux, dans le bulletin communal et est affiché à l’extérieur du bâtiment. Il reste loisible à chacun d’utiliser la sonnette, l’agent d’accueil venant alors ouvrir la porte d’entrée. C’est ce qui se passe ce jeudi-là.
Le citoyen sonne, l’agent d’accueil va ouvrir la porte alors qu’un agent d’administration, souhaitant prendre une pause-café, entame la descente de l’escalier qui aboutit à proximité de la porte d’entrée.
Le visiteur annonce le but de sa visite, il a entendu parler d’une allocation à laquelle il aurait peut-être droit et est venu dans le but de la percevoir.

L’agent d’accueil lui explique que la permanence spécifique à cette allocation est le mardi matin et l’invite à venir s’y présenter avec les deux documents qu’elle lui liste.
Le visiteur réagit en soulignant que c’est une demande vraiment simple, qui pourrait être solutionnée en quelques minutes et que ça ne justifie pas de le faire revenir. Il dit aussi remarquer que la salle d’attente est vide, que ce n’est pas la surcharge et que rendre service au citoyen serait la moindre des choses.

L’agent d’accueil répond qu’il peut prendre rendez-vous pour le mardi matin, ce qui évitera de faire la file et d’avoir son dossier entièrement complété et prêt à passer en décision dans les jours suivants. L’agent administratif, arrivé au bas des escaliers, reste là 5 ou 6 secondes sans bouger, ne pouvant passer dans le respect de la distanciation sanitaire.

Il se fait alors apostropher par le visiteur, sur le thème peu amène de la perte de temps à « rester planter là comme un idiot » ce qui serait la preuve « qu’ici on préfère glander plutôt que de faire son boulot. » S’énervant de plus en plus, le citoyen se tourne alors vers l’agent d’accueil, la toisant de haut en bas et soulignant « qu’évidemment, elle, vu comme elle est fringuée, elle ne sait pas ce que c’est qu’avoir besoin d’argent. »

L’agent d’accueil répond alors que si la personne est dans le besoin urgent d’un abri ou de nourriture, il peut lui être proposé directement une entrevue avec l’assistant social de permanence, mais que pour sa demande d’allocation, il lui faudra revenir mardi, avec ou sans rendez-vous.
Le citoyen explose alors, en tenant des propos virulents et accusateurs : « vous êtes des nulles, vous ne foutez rien et vous êtes débiles avec votre distanciation sanitaire, votre gel et votre masque… vous êtres trop connes et vous n’en avez rien à foutre des autres ». Puis, il part en claquant la porte. Restent deux agents interloqués, l’une avec des larmes coulant sur les joues, l’autre répétant plusieurs fois « mais ce n’est pas possible ».

L’épisode dans son ensemble n’a pris que quelques minutes. Ses effets vont perdurer et s’amplifier : l’esclandre devient le sujet de la journée : ressassement, recherche vaine d’explications, extrapolation de ce qui aurait pu se passer en pire, interrogation du type « j’aurais peut-être dû faire autrement. » Ce qui n’a duré que 5 minutes prend alors tout l’espace temporel et mental : unique sujet de discussion pendant le temps du lunch, l’altercation est aussi le prétexte de moult conciliabules ;

Indéniablement, le personnel a grand besoin de s’exprimer, de se réconforter. C’est une étape importante de l’après- agression. Nous les humains avons besoin de ressentir qu’un collectif est là, présent pour nous, soutenant même s’il n’a rien pu faire au-moment même de l’événement.

C’est l’occasion également de nommer ce qui vient de se passer : il s’agit bien d’une agression même si aucun coup n’a été échangé. C’est aussi la possibilité d’interpréter cette réaction a priori bizarre et inadaptée « le coronavirus met les gens sur les nerfs, venir au CPAS est toujours stressant, tout le monde n’a pas les codes d’expression correcte et de respect minimal… ».

Bien que nécessaires, ces moments d’échanges informels ne seront pas suffisant. La ligne hiérarchique peut, doit, très vite réagir elle aussi :

- Informer la personne de confiance et le conseiller en prévention du lieu de travail pour qu’ils mettent en œuvre la procédure du registre de faits de tiers
- Avec la personne de confiance (ou s’il n’y en a pas avec le conseiller en prévention) faire un rapide débriefing de ce qui vient de se passer : cela permet d’écouter formellement et officiellement les travailleurs, de recueillir les informations permettant de mieux comprendre le déroulé des faits
- Demander aux personnes directement impliquées, puis à l’ensemble de l’équipe de quoi elles ont besoin immédiatement et pour la suite
- Envisager la possibilité d’améliorations organisationnelles, spatiales, en matière de mobilier, de communication (communication des horaires par exemple) qui demandent peu d’investissement (surtout en matière de temps), valider avec les utilisateurs directs.

À moyen terme, l’agression et son déroulé seront analysés plus en profondeur afin de parfaire les mesures de prévention permettant qu’un tel événement ne se reproduise pas. Les données du registre de faits de tiers seront compilées, pour avoir une connaissance macro de ce qui se vit dans ce lieu de travail. Les données pourront être partagées avec le Conseiller en Prévention Aspect Psycho-Sociaux et avec le médecin du travail. Cela sera précieux à la fois pour l’analyse des risques psycho-sociaux et pour l’entretien individuel lors de la surveillance médicale. Des mesures de prévention plus globales pourront alors être proposées.